mercredi 18 juin 2014

[Dead-Report] 28 heures plus tard - Théatre Pixel, Paris 18e

Genre : Théatre zombi-esque (mais sans zombie)
Vu le : 14 juin 2014
A18 Rue Championnet, 75018 Paris
DeDamien Dufour, Sébastien Desmots, Claire Toucour
Avec : les mêmes


La minute nerd. 28 heures plus tard, pièce de théâtre « de sur » les zombies mais sans zombie sur scène, j'en avais accroché le titre au hasard d'une news sur Badgeek.fr (ce n'est qu'après la pièce que j'ai découvert que deux des acteurs étaient interviewés dans le podcast Ca va trancher n° 119). J'aime bien le trip zombies, ça fait longtemps que j'en ai pas vu un sur papier ou péloche, l'ambiance des micro-théâtres parisiens cradoques me fait rire : zou, sans trop réfléchir, j'attrape une geekette au vol et j'y vais. Pas l'idée du siècle : selon la (presque) célèbre formule : "C'est pas mauvais, c'est raté".

Agréable surprise, le Théâtre Pixel est une petite salle bien foutue et confortable de 50-60 sièges environ, logée à Simplon. Confortables, les sièges. Rembourrés. Quelque soit la pièce, bonne ou mauvaise, le fessard ça compte, nomdidju, alors pour ceux qui ont l’habitude des planches broie-culs genre Théâtre des Blancs-Manteaux ou Mélo d’Amélie c’est TRES appréciable. Qui plus est le type derrière le guichet est aimable et souriant, ça aussi ça compte, et c'est pas si fréquent.

Pour en venir à la pièces, 28 heures plus tard, c’est le hasard qui claquemure dans un théâtre assiégé par les morts-vivants 3 personnes ordinaires, 28 heures après le début d’une invasion de zombies. Il y a Jess, la girl-next-door courageuse, Jack, le badass survivaliste et John, l’indécrottable geek accroché à son Guide de survie en territoire zombie. Les munitions manquent, la nourriture aussi, malgré quelques moments de détente les personnalités se heurtent,… . Du typique quoi, le classique huis-clos pendant 1h30, déjà vu 16732674537184321733824743673181 fois sur écran ou papier. On aurait pu se dire que le "live" renouvellerait un peu l'intérêt du pitch ultra-convenu. Effectivement, « Ça eut payé... ». Peut-être. Mais non. 28 heures plus tard souffre en effet de deux gros problèmes : l'écriture, d'abords, mais surtout, les auteurs/comédiens n'ont pas choisi ce qu'ils voulaient porter sur les planches : une parodie geek, ou un drame ? Le cul entre ces deux chaises, la pièce glisse et se gamelle.

C'est LE point faible de la pièce : on sent que les auteurs y ont mis tout ce qu'ils aiment de la « culture zombie » (expression à la con en vogue), sans sélectionner, sans arbitrer vraiment, sans TRANCHER : il y a des délires infantiles à la Shaun of the Dead, de la noirceur humaine à la Walking Dead, une foultitude de références geeks, le passé d'un des personnages sent d'une lieue son 28 semaines plus tard,... . Tout est très sympathique mais passablement fourre-tout. Et si les blagues, parfois inattendues, parfois téléphonées, permettent de relâcher la tension entre deux affrontements des personnages ou attaques de zombies, elles ruinent la crédibilité d'une pièce qui serait « sérieuse »... si l'on n'y citait pas Gordon Freeman entre deux hurlements. L'humain qui saigne ou le clin d’œil nerd : faute de vrai choix à l'origine, la pièce se semi-plante sur les deux tableaux.

Le second point noir c'est l'écriture. Non que tout soit scandaleux : il y a de bonnes vannes (dont une grosse séance de déconne assez inattendue) et certains dialogues plus sérieux sont honnêtes et très crédibles. Les soucis commencent lorsque certaines allusions sont amenées avec des gros sabots (la machine à écrire gratuitement posée sur une table – rappel : la pièce se déroule dans un théâtre – juste pour qu'un personnage rigole en disant « J'vais sauvegarder ! », allusion colossalement fine à Resident Evil). Il y a des incohérences flagrantes (le badass sur-armé est un... agent immobilier ???) et surtout tous les éléments psychologiques, tous les portraits sont dressés à la hache, sans subtilité, sans évolution : tel personnage va dire texto qu' « [il] veut se racheter ! », et pan, si après ça le spectateur n'a pas compris qu'il a affaire à une-pauvre-âme-torturée-par-les-horreurs-auxquelles-rien-ne-l'avait-préparé, c'est vraiment qu'il en tire un wagon. Et on retrouve régulièrement ce genre de « finesse » psychologiqus, monnaie courante tout au long de la pièce.

C'est d'autant plus dommage que les comédiens sont loin d'être mauvais. Claire Toucour notamment, est parfaite tout du long, juste, mesurée, drôle quand il le faut, flippée itou (faudra par contre que l'on m'explique pourquoi celle qui est présentée comme ultra-ordinaire est lookée et nattée façon Lara Croft). Je suis plus partagé sur le personnage de John, le geek, qui a la lourde tâche d’être l’élément comique récurrent de la pièce en même temps que sa caution geek. Couard, inconscient du danger, persuadé de vivre un genre de Dead Rising grandeur nature, il passe son temps à faire enrager ses compagnons d’infortune, un peu plus conscients des réalités, eux. Ce gentil no-life chevelu est desservi par des situations et dialogues souvent maladroits (voir le coup de la machine à écrire, il y en a treize à la douzaine des comme ça...), et parce qu'à force d'être à côté de la réalité, son personnage finit par énerver. Les tentatives pour creuser sa personnalité en évoluant vers l'archétype, déjà vu mais intéressant, du grand gosse plus terrorisé par la réalité que vraiment couard arrivent trop tard, et trop brutalement pour être vraiment crédibles ou pertinentes.

Le vrai souci c'est le personnage de Jack, censément gros-flingues-mâchoires-carrées. Niveau ressorts psychologiques et subtilités, comme dit plus haut, pour lui c'est le zéro pointé. Qui plus est le comédien le joue mono-jeu, hurlant la moitié du temps, survolté, pétant les plombs chaque fois que John dit ou fait une nouvelle bourde (c'est-à-dire toutes les deux secondes...), ça finit par lasser. C'est d'autant plus regrettable que dès qu'il baisse de régime, la joue un peu plus nuancé, le comédien s'en tire bien, et donne une vraie épaisseur et une vraie humanité à son personnage.

Bon, à la décharge des auteurs et comédiens, Roméro sur les planches de Rostand : le projet était casse-gueule dès le départ. Il fallait l'oser, l'écrire (vu le challenge – des zombies non pas SUR les planches, mais AUTOURS des planches, donc un peu SUR quand même... - ça n'a pas dû être facile), peaufiner la mise en scène (celle-ci est d'ailleurs très correcte), convaincre les directeurs de salles,... le trio a dû sacrément mouiller le maillot pour en arriver là. Respect, donc, d'autant que le résultat présente quelques qualités. Quelques solides défauts aussi : manque de maturité dans l'écriture, et surtout absence de choix entre la comédie geek ultra-référencée et le tragique, d'où un résultat très mitigé. M'enfin ça coûte 10 balles, il y a encore 1 représentation le 19 juin et ensuite le trio remet le couvert en septembre. Si vous êtes geek et généreux, faites-vous un avis et donnez, c'est pour une bonne oeuvre. C'est bon esprit et pas inintéressant, un peu raté tout de même mais c'est 10 balles : « C'est vous qui voyez».


Le Facebook de la pièce

La pièce sur Billet réduc

L'émission Ca va trancher n°119 où Damien Dufour et Sebastien Desmot étaient invités


1 commentaire:

  1. Hello bonjour !
    Je n'ai pris connaissance de ta critique que très récemment... Alors déjà merci d'être venu à l'époque :-)
    En fait, après un an et demi de pause, on reprend 28 Heures Plus Tard, avec de nombreux changements (dont le comédien qui jouait Jack)... Et du coup, je voudrais t'inviter à revenir. Je prétends pas te convaincre cette fois ci, mais au moins j'aimerais essayer ;-) Si tu es ok, envoie nous un mail à artsfilants@gmail.com et on te mettra 2 places pour quand tu voudras.
    Quoi qu'il en soit merci pour cette critique argumentée et utile (que j'ai d'ailleurs utilisée lors de la réécriture) et à bientôt j'espère !

    Claire Toucour.

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